mercredi 13 octobre 2010

Démontons ce qui semble bien monté




Depuis quelques semaines, une vidéo fait le buzz, à savoir qu'elle pullule sur les walls facebook et approche le million de vues sur youtube. Cette vidéo c'est le clip "PQR plan cul régulier" de Captain Brackmard et Simone. Des vidéos qui font le buzz, il y en a des centaines, voire des milliers : vidéos de chats, de gamelles en tout genre, clips parodiques, abrutis profonds se donnant en spectacle etc. Alors pourquoi choisir d'analyser celle là ? Parce qu'à la différence de beaucoup d'autres qui ne visent qu'à faire rire la galerie de l'open space, celle-ci a un propos de société et méritait donc qu'on s'y attarde.

Voici la vidéo sur laquelle nous allons revenir en détail.

PQR - Plan C*l Régulier - CAPTAIN BRACKMARD feat. Simone

Nous ne nous attarderons pas sur la qualité de la chanson ou du clip car notre propos n'est pas d'encenser ou de critiquer mais de décrypter.

A priori cette vidéo est légère et semble nous narrer les aventures décomplexées de deux personnages nous décrivant un mode relationnel apparemment idéal.

Tout un argumentaire est mis en place pour étayer le propos

Amusons nous à reprendre la chronologie du clip.

Tout d'abord Captain Brackmard nous explique aimer les bonnes meufs et les pétasses et de poser la question "toujours pas maqué qu'est ce qui se passe ?"
La réponse qu'il nous livre est celle d'une volonté de célibat, on aurait pu lui opposer facilement que le type de filles décrit est par définition volage et qu'il est donc difficile de se "maquer" avec. On pourrait surtout lui demander si les "bonnes meufs" et les "pétasses" veulent se "maquer" avec un type ordinaire, sans musculature apparente et avec un slip sur la tête. Visiblement il sous entend que oui et que c'est lui qui refuse, ne le contrarions pas.

Après ce petit apéritif qui nous éloigne de notre propos, nous voyons donc Captain revendiquer le célibat. Comment ? Il revendique une liberté (nous y reviendrons) et Il ne voit pas l'utilité d'une femme qui l'empêcherait selon lui de passer des soirées "pizza bière" et de manger "des chips camembert" au petit déjeuner.

Quand il a envie de "kenne pépère" il appelle sa copine PQR et là Simone entre en scène avec un joli refrain où on nous dit qu'"on arrive, on kenne, on se barre et hop c'est plié (aïe)", que "pas parler juste baiser, c'est pourtant simple de pas se faire chier"

Alors dit comme ça, cela peut sembler extrêmement libre, voire libérateur. Enfin une relation hyper hédoniste où tout est permis, fini les convenances, c'est sauvage, c'est chouette.

Mais cela marche-t-il en vrai ? Pourriez vous décemment ne voir quelqu'un que pour une sexualité expéditive sans autre parole, avec finalement moins d'interaction qu'avec le boulanger et espérer en tirer une réelle jouissance ?

Nous y reviendrons


Arrêtons nous maintenant sur le couplet féminin et étudions ce que nous appellerons "le paradoxe Simone". Simone est une affranchie, elle est dominante, la preuve elle fume et porte des tee shirts "Bang bang", elle revendique une hyper sexualité et mordille même les tétons de ses partenaires, revendiquant ainsi une égalité physique avec son partenaire masculin.
Cependant à bien regarder :
Elle se décrit comme une "bonnasse", terme péjoratif utilisé exclusivement par les mâles affichant une misogynie affirmée, déclare solder sa vertu à tout va en draguant compulsivement sur internet (elle n'est donc plus une princesse inaccessible mais une hyper demandeuse, proche de la mendicité de par sa démarche multiple), recruter des super héros et des hommes à pouvoir, pouvoir se résumant à la taille de leur engin selon son Iphone, qu'elle décroche "d'une voix de conne" pour ne pas être une connasse (comprenez "femme en couple avec un compagnon régulier"). Elle fait ensuite un doigt à la caméra comme suprême affirmation de son comportement.

Mais à qui est_il adressé ce doigt ?

A d'éventuels prétendants ? Non, car il suffit d'avoir une grosse bite ou de sembler avoir du pouvoir pour que ce soit elle qui se rue sur vous. A d'éventuels machos la rabaissant ? Non car elle a bien appris sa leçon, elle est "une bonasse" et décroche "d'une voix de conne", se rabaisser fait partie de son comportement amoureux. Ce doigt n'est pourtant pas là par hasard et symbolise tout le malaise de la démarche hasardeuse de notre fausse affranchie qui se déhanche dans toutes les positions pour se faire prendre "du sol au plafond" (bonjour la sémantique de publicité de détergent ménager qui stéréotype un peu plus la condition féminine).

Simone fait un doigt à tous ces codes qu'elle mélange, tentant de prendre le dessus. Simone fait un doigt à une société de valeurs brouillées où être une bonnasse qui baise n'importe qui serait le summum de l'émancipation féminine.

Et elle y gagne quoi notre Simone ?

A peu près la même chose que notre Captain avec ses chips camembert foot pizza bière, La liberté suprême de pouvoir regarder Koh Lantah avec une salade !!! Ça valait le coup !

Grosso modo, nous avons donc deux personnages fuyant (dans un rapport humain réduit à son minimum et provoquant une surdose de cynisme) les dangers d'un couple qui les empêcherait de manger ce qu'ils veulent et de regarder le foot ou la télé réalité. Ouf ! heureusement qu'ils sont cools : ils arrivent à avoir du sexe et à choisir le programme télé !

On y gagne encore et toujours sur la bouffe puisque le refrain nous indique que "plan cul régulier, pas parler juste baiser, tu me racontes rien sur l'oreiller, le matin je te propose pas de café"! Et ça c'est quand même une belle victoire, sans compter qu'avec la crise ça fait de belles économies à la fin du mois !Heureusement qu'on est pas en couple, il aurait fallu laver deux tasses !

Alors ensuite c'est génial, on a droit au couplet "c'est une relation saine, on est tranquille, on est zen". Et pourquoi ? parce que "y a pas d'abonnement comme dans mon téléphone", qu'on peut rester SEUL(e) avec son ordinateur sur son canapé et que, "si je veux pas voir ta gueule j'ai qu'à pas t'appeler". Nous avons donc deux personnes qui revendiquent une relation qui leur permet d'être seuls, de mépriser l'autre et de le considérer comme un importun. C'est super sain en effet.

Vient ensuite une foule d'arguments dont le principal est "rien à foutre si on s'aime" et là c'est vrai que c'est sain et zen. La fille ne te présente pas à sa mère et tu peux oublier son anniversaire (ça plus le café, ça en fait du fric de mis de côté du coup tu peux t'acheter ton macbook pour rester seul sur le canapé à coussin pop Ikéa). Elle elle veut que tu "lui mettes la misère" et toi tu vas donc lui "défoncer le sphincter" encore une fois la femme domine à mort, ça se sent. Donc ce qui est sain et zen serait de nier l'existence de l'autre (anniversaire), le cadre familial et surtout l'amour pour goûter aux joies de la sodomie, parce que sans ça tu peux pas bien sûr, le couple c'est baiser seulement en missionnaire.

Ce clip nous décrit donc une escroquerie conceptuelle . On ne sait d'ailleurs pas si les auteurs sont au premier ou second degré, ils sont toujours sur la corde raide, comme si ils essayaient de se persuader eux mêmes. D'ailleurs le côté affranchi, s'émousse vite devant le masque du Captain et le fait qu'ils baisent "incognitos", de surcroît à la va vite comme des voleurs.

Alors finalement que nous raconte ce mode de vie à part une peur de l'échec sentimental ? Le couple est vécu comme une prison, comme "s'afficher sur facebook avec un putain de mec qu'on pourrait pas saquer". On n'ose plus aimer alors on fait semblant de le revendiquer, comme le hip hop a revendiqué les conditions de vies misérables que l'état impose aux communautés des ghettos dans des pays où règne pourtant l'abondance. On fait se sa misère une fierté car on a plus que ça.

Ces gens ont peur. Ils sont dans la soumission la plus totale. Lui se cache pour revendiquer une virilité qu'on ne verra jamais, elle se soumet aux clichés les plus avilissants pour réclamer une performance sexuelle vide d'amour et la musique guillerette peine à faire oublier la misère qui se cache derrière cet aboiement de la destruction du sentiment, par peur du rejet de l'autre. Car oui les arguments pour faire du couple une "prise de tête" ne tiennent pas la route, c'est donc bien qu'il y a autre chose qui sous tend cette fuite en avant revendiquée. Cet autre chose c'est simplement la peur de l'amour et de ses aléas.

Putain mais et alors bordel ? Non parce que ça va quoi ! C'est quoi cette société de merde là, où on est tous des tapettes cachés derrière son écran à se moquer des acteurs /beaufs de télé réalité car on sait pas quoi foutre de sa vie ? à ne pas vivre des sentiments parce qu'on est boulimique de séduction juste parce que les publicitaires nous ont appris à vouloir toujours plus sans jamais être heureux ? Et ben finalement, y a rien qui se vit et on fait comme si c'était l'aventure et ben bravo ! Autant dire que partir à Djerba en club David Guetta c'est Indiana Jones ! Avec un tel désert de sensations, de prises de risques, pas étonnant qu'Avatar 3D aie du succès, l'aventure virtuelle ça au moins c'est pas risqué. FUCK IT STRONG ! sors de chez toi, va parler aux gens, ose putain ! Selon le sociologue Gilles Lipovetsky, le bonheur se trouve dans la prise de risques que nous interdit finalement la société de confort. Et ben... Il a raison ! Regarde moi ce clip, ils ont tout l'attirail des jeunes gens à fric et avec tout ce qu'il faut pour être cool et ils vivent quoi ? du handicap, de la frustration, de la peur et de la solitude et font semblant d'en jouir ! Youpi Youtube !

Le vrai affranchissement ne serait il pas de revendiquer un couple où on baise franchement et où on renouvelle sa libido chaque jour tout en se disant qu'on s'aime, en buvant des petits cafés et si possible en éteignant la télé ? Un couple loin des habituels clichés mortifères ou gnangnans ? C'est peut être finalement trop rock and roll pour faire un buzz ? Heureusement la vraie vie se joue pas sur youtube et de toute façon j'aimerais pas qu'un million de mecs cliquent sur ma meuf. Fuck you and love you each other punk !





dimanche 3 octobre 2010

INTERLUDE

Les pirates de l'ère




Sur l'océan du web surfent de bien vils bandits : les pirates.

Alors avant l'invention des réseaux de partage peer to peer, les pirates informatiques étaient des gens très forts en informatique qui pouvaient pénétrer le système d'une banque ou d'une base de lancement de missile. Aujourd'hui le pirate c'est le trentenaire qui télécharge Toy Story 3 pour ses gosses.

A l'heure où le piratage et l'adoption de la loi hadopi 2 font couler beaucoup d'encre, on ne s'appesantira pas sur la morale de l'acte ou sur le bien fondé d'une répression. Ce qui nous intéressera ici, c'est plutôt de constater qu'aucune réflexion sociologique ne vient jamais enrichir le débat, qui se résume quasiment toujours à une question de droits d'auteurs et de droit pénal.

Or ce phénomène touche des millions de gens de toutes les couches de la société. Et grosso modo, tout le monde se moque d'entamer une réflexion dessus, résumant le pirate à une personne qui veut avoir un truc gratuit.

Or si c'était aussi simple, si les gens n'avaient plus de moralité aucune, les vols de DVD et CD exploseraient. Mais non, rien de tout cela. Pour autant il y a bien vol. Pourquoi n'appelle-t-on pas les pirates des voleurs alors ? Par simple extension du terme jadis réservé au professionnels malveillants de l'informatique ? Non car ces derniers ont été rebaptisés "hacker" ou cybercriminels" par notre société toujours friande de novlangue. Alors pourquoi n'a-t-on pas appelé le pirate, un "cybervoleur" ou un "illegal downloader" ? Pourquoi ce terme si désuet ?

Et bien car c'est celui qui en est la parfaite définition.

Étymologiquement, le terme pirate vient du grec peiratas, venant lui même du verbe peirao siginifiant "tenter sa chance dans l'aventure" et du latin pirata, "celui qui tente le fortune, qui entreprend".

Mais quel est donc le rapport avec notre downloader de films de Bruce Willis et d'albums de Florent Pagny ?

Et bien le pirate du dimanche soir cherche bien souvent dans cet acte une satisfaction aventurière dans sa vie de confort moderne. Tout comme celui qui va lorgner sur un site pornographique cherche une brève mais réelle excitation sexuelle et un goût de la transgression, le pirate cherche un bref instant d'adrénaline dans la quête de l'objet de son plaisir qu'il réussira ou non à trouver et ce, en plus ou moins bonne qualité. Il se lancera sur la mer du web pour aller y faire fortune.

Et le pirate transgresse, il le sait et en tire une satisfaction, soit celle de l'adrénaline, soit celle de l'acte contestataire.

Oui mais tout voleur, même celui qui prend un stylo au guichet de la poste, vit un instant de transgression, alors pourquoi le terme de "pirate" et pas celui de "voleur" ?

Car le pirate ne se considère pas comme un voleur. Il ne détrousse personne. Il ne fait pas de mal. Il sait que c'est interdit mais ne trouve pas l'interdit légitime et c'est là que cela devient très, très intéressant.

Les pirates (à ne pas confondre avec les corsaires qui agissent sur ordre royal pour aller saborder des navires de pays ennemis) sont des bandits sillonnant les océans en groupe et s'en prenant aux navires marchands.Ils avaient un code de comportement très strict, notamment sur le partage du butin qui se devait d'être équitable entre les membres d'équipage, le capitaine ayant une plus grosse part mais jamais supérieure à 25% de plus qu'une part de l'équipage. Ils respectaient les vies des abordés autant que faire se peut et n'étaient là que pour piller le butin des riches compagnies de commerce maritimes.


Nous y voilà, le pirate domestique a aujourd'hui l'impression de ne s'en prendre qu'à de grosses compagnies qui s'engraissent sur son dos. Le paysage culturel étant devenu une histoire de marketing et de produits insipides calibrés uniquement pour être vendu à une masse, on en oublie l'artiste, considéré comme complice de ce pathétique et bruyant carnaval de la consommation, tant on le voit gesticuler dans des talks shows pour nous vendre sa dernière galette. Le pirate en a assez de ce spectacle de richesses exubérantes et de carré V.I.P., et ne trouve pas grave de ne pas donner son argent à ceux à qui tout semble réussir.

Bien souvent le pirate est quelqu'un qui respecte les codes et valeurs de la société, travaille et paye ses impôts, des crédits et les produits qu'il consomme. Bien inséré dans notre société de perpétuelle innovation ,il s'équipe en produits technologiques toujours plus performants et trouve donc finalement normal d'utiliser son accès internet ultra haut débit (qui soyons clairs n'a aucune utilité pour écrire des mails ou surfer de façon basique) pour télécharger des fichiers qu'il pourra ensuite lire sur une batterie d'appareils qu'on lui vend exprès pour (smartphone, disques durs multimédias qui se branchent sur la télé, TV écran plat avec prise HDMI directement reliées à l'ordinateur).

C'est là tout le paradoxe de l'hyperconsommation et de la libre concurrence. Pour prospérer l'industrie du net a tué celle du disque car répétons le, sans le téléchargement l'usage d'internet serait moindre et le ultra haut débit serait ultra inutile.

Donc pour le pirate, il y a une atténuation de la transgression du fait qu'il continue à donner son argent à la société de consommation, seulement il ne la donne plus à des disquaires mais à des fournisseurs d'accès internet et à des magasins de produits technologiques. C'est une évolution des choses, tout comme les pièces radiophoniques, diffusées gratuitement, ont nui au théâtre et tout comme la télévision a nui au cinéma en proposant des films gratuits.

A qui va l'argent ? Ce n'est pas l'affaire du pirate consommateur, il paye son fournisseur d'accès internet donc s'estime en règle. Il a juste changé ses habitudes de consommation mais ne commet pas dans son esprit un vol au sens premier qui donc ne lui ferait plus dépenser d'argent, il a tout simplement trouvé un moyen plus avantageux de satisfaire son immense appétit de produits culturels. Car il est de plus en plus ardu de pouvoir garantir la satisfaction de la boulimie créé par le marketing constant et la déferlante de produits auquel le consommateur est soumis. Car l'effet insidieux du marketing est de constamment créer de nouveaux besoins, de nouvelles frustrations qu'il devient vital de satisfaire. Le pirate peut donc se concevoir comme un drogué pillant la cave d'un dealer ayant créé son besoin pour s'enrichir dessus. La conception immorale de la chose n'est alors pas automatique et est source de débat.

D'ailleurs le pirate ne pirate rien a proprement parlé, il ne va pas forcer des sites de vente de vidéos en lignes, il met simplement en commun ses ressources.

C'est là que le bas blesse pour la société dans laquelle nous vivons ou la gratuité est un crime. Tout doit être payé et le pauvre est coupable de l'être. Or les pirates, ne sont en fait que des gens mettant leurs films à disposition des autres et allant également copier un film de la collection du voisin. Le pauvre peut avoir autant que le riche.

De vraies communautés d'esthètes s'organisent, il y a des millions de blogs ou de sites permettant de télécharger des films de genre, de la musique introuvable ou chacun pourra trouver la pépite qui manque à sa collection. Il y a deux règles d'or sur la majorité des sites, qui ne prévalent pourtant plus dans nos sociétés, c'est de remercier celui qui a mis un fichier en ligne et de soi même en mettre à disposition ou de permettre l'utilisation de sa bande passante pour le téléchargement par un tiers du fichier (principe du torrent), si l'on ne respecte pas ses principes, on ne peut pas accéder aux liens de téléchargement ou on risque un bannissement du site. Le pirate est donc courtois et fonctionne sur une logique de redonner autant qu'il a eu, c'est toute la logique de la consommation de masse qui est ébranlée.


Voilà pourquoi il n'y a pas de notion de vol pour le pirate, hormis celle du marchand, considéré comme un infâme bourgeois s'engraissant sur le dos des honnêtes gens en méprisant le public, tant on nous vend des films comme de la lessive.

D'ailleurs il est usuel dans le mode de consommation du pirate d'acheter les disques des petits artistes indépendants ou d'aller voir leurs concerts, leurs films encourageant ainsi leur création.

N'oublions pas aussi que la société postmoderne a créé l'immatérialité des gens, du travail, de l'argent, notamment grâce à l'informatique et du net. Cela permet aux multinationales d'adopter les politiques que l'on connait où l'humain n'a plus de poids mais cela a aussi permis la dématérialisation des supports de produits culturels (sauf du livre dont la version numérique ne connait pas de réel envol). Or il est très difficile de concevoir que l'on vole ce qui n'existe pas.

La société a également créé une sur-accélération du temps. Il faut manger vite, travailler vite, s'informer vite, et consommer vite. Tout est jetable, à peine existant que déjà remplacé par la nouveauté. Le produit culturel n'échappe pas à cette règle et pour nous en vendre plus, la société nous a appris à désacraliser l'œuvre à la consommer ou la jeter et passer à une autre, ce que le pirate a parfaitement compris et applique au quotidien.

Le piratage est à la fois un monstre de Frankenstein créé par une société qui veut vendre sur tous les fronts sans penser au télescopage fatal que cela produira, et à la fois une révolte active mais non violente face à la pressurisation mercantile dont nous faisons tous l'objet.

Il y a là en tous les cas des symptômes d'essoufflement d'un modèle de société , et si on y regarde d'un peu plus près, on s'aperçoit que cette gratuité acquise remet en cause tout un système qu'il faudra de toute façon rénover. Comment ? Ce n'est malheureusement pas l'axe de recherche posé par la politique de répression qui s'annonce et qui une fois encore jouera la politique du bras de fer plutôt que celle du dialogue ou chacun pourrait avec un peu de bon sens aboutir à un compromis satisfaisant pour tous comme de taxer les FAI afin de reverser des droits à la Sacem ou autre solutions du même type.

L'état prend donc ici le risque de plonger une majorité dans l'illégalité, ce qui symboliquement rend l'exercice d'un pouvoir démocratique très complexe car sa légitimité est justement basé sur l'accord avec la majorité. L'avenir nous dira quels seront les conséquences de telles mesures qui ont aussi pour but, rappelons le de contrôler les accès internet domestiques mais ça c'est une autre histoire dont nous parlerons prochainement.

INTERLUDE

mercredi 22 septembre 2010

Mise en abime d'un imaginaire abimé




Cet été fut marqué par la sortie d'un de ces films "dont tout le monde parle". Inception a été, comme Matrix en son temps, adulé, critiqué, décortiqué, revisité, détourné etc. Or si tout le monde y a été de son analyse sur la pertinence ou les failles du scénario, assez peu ont choisi de voir le film comme ce qu'il est, un produit.

Un produit de 160 millions de dollars très bien conçu et destiné à rapporter beaucoup d'argent. Car il n'est pas cynique de rappeler qu'un film c'est avant tout un montage financier, que les producteurs hollywoodiens ne sont pas des mécènes un peu fous, investissant dans des projets artistiques pour lesquels ils ont des coups de cœur, mais des hommes d'affaires comme tous les autres, qui entendent bien récupérer leurs mises.

Or le blockbuster dans sa forme de base ne fait plus vraiment recette, le spectateur semble lassé par cet affront de plus en plus outrageant fait à son intelligence à grand renfort de pyrotechnie.



Il faut donc séduire par d'autre biais le client afin de récupérer ses dix euros de droit d'entrée et s'assurer de récupérer le pactole du box office. Mais alors que va-t-on faire ? Proposer de la nouveauté ? Sortir des sentiers battus ? Non bien entendu, le risque serait trop grand de perdre tous ces portefeuilles fidélisés aux éternelles mêmes intrigues.

Car dans tous les films à gros budgets, il y à les mêmes codes selon les genres,ensuite tout n'est qu'une question d'emballage.

Pour donner un exemple concret des similitudes en matière de "blockbuster de l'été", prenons deux films ayant très bien marché : The Dark Knight et Pirates des Caraïbes. A priori il n'y a rien qui les relie. Et pourtant, on surfe exactement sur les mêmes codes, emballés différemment.

Prenons le scénario :
une ville est assiégée par une menace extérieure maléfique (les pirates fantômes / le joker), les héros conventionnels et propres sur eux sont incapables d'y faire face (orlando bloom / le commissaire Gordon), un anti héros, hors des circuits sociaux traditionnels (l'un est pirate, l'autre milliardaire autiste) arrive alors de nulle part, non tant pour sauver la ville, que pour laver un affront personnel (affronter le capitaine des pirates ayant renversé Jack Sparrow en fomentant une mutinerie sur le Black Pearl, affronter le Joker qui ne cesse de narguer Batman et de le traiter d'obscur bouffon) et récupérer ce qu'ils considèrent comme leurs biens, à savoir l'endroit où ils sont accoutumés à exercer un pouvoir absolu (le Black Pearl /Gotham City), les deux antihéros ont un lien qui les unit aux grands méchants avec qui ils partagent une sorte de compréhension mutuelle, représentant finalement les deux faces d'une même pièce. Les deux héros gagneront leurs combats en l'emportant sur l'ennemi mais ne tireront aucun bénéfice matériel ou social de l'aventure et continueront à être traités en parias. En revanche ils pourront poursuivre leurs existences au dessus des lois sans être inquiétés par les conséquences des dommages collatéraux de l'aventure vécue.

Regardons les héros à présent :
les deux sont des personnages solitaires, sans attache familiale ou sentimentale, les deux vivent de ressources financières impossibles à déterminer et permettant tous les raccourcis scénaristiques possibles,
les deux ne cessent de tenter de séduire une femme hésitante entre les princes charmants et les mauvais garçons,
les deux ont un look affichant une certaine homosexualité refoulée (les combis en latex moulante sur des muscles entretenus / le maquillage outrancier et les bijoux), tous les deux jouent tantôt la carte du chevalier dévoué, tantôt celle du desperado sans foi ni loi,
tous les deux ont un ego démesuré que l'on peut retrouver dans des scènes d'arrivée fastueuse (l'hélicoptère sur le toit de Bruce Wayne, le mat du bateau qui coule de Jack Sparrow),
tous les deux sont à la fois en quête de rédemption et en quête de poursuivre leur vie au dessus des règles.
tous les deux incarnent à la fois la justice héroïque et la transgression des lois.

Comment se fait il devant tant de similitudes qu'on ne fasse pas le lien automatiquement ? L'emballage.

L'un est emballé anti héros limite ultra gauche, pirate qui s'en prend aux riches, l'autre est emballé anti héros de droite limite fasciste, ultra riche et tabassant les voyous en se moquant des droits de l'Homme.

Les décors sont aussi diamétralement opposés: l'un se déroule sur des océans médiévaux et des petits villages en pierres et l'autre dans une ville ultra moderne où l'on ne voit jamais l'horizon.

Les costumes diffèrent également : l'un est vêtu comme un bohémien, portant de multiples couleurs, l'autre porte des tenues sombres, aux coupes ajustées et aux couleurs froides en civil comme en costume).

Mais sinon la structure est donc quasi identique et c'est le cas pour la quasi totalité des blockbusters dans lesquels on retrouve toujours les mêmes thèmes mais emballés différemment.

Or Inception semble vouloir nous vendre quelque chose de nouveau dans sa structure, c'est son axe de développement marketing premier.

En effet, on ne cesse de nous le marteler : Inception n'est pas un blockbuster.

Même sa fiche wikipédia vous le dira, c'est un "techno-thriller", de quoi en avoir pour ses neurones ! Mais bon renommer le film ne suffit pas à convaincre le spectateur qui s'attend, au vu du casting et de la grandiloquence annoncée des effets spéciaux, à un produit stéréotypé "made in USA".

Et bien gommons le "made in USA" ! Voilà une excellente façon de faire croire au spectateur qu'il n'a pas à faire à un blockbuster puisque tous les blockbusters viennent de chez l'Oncle Sam.

Alors comment s'y prendre ? Là encore l'emballage prévaut, tous les décors seront à des lieues des poncifs de cette bonne vieille Amérique : on commence par une sorte néo palace asiatique, puis on se retrouve dans une chambre de garçonnière dans un taudis du quart monde, un passage par la France, puis hop on se retrouve à Monbassa, et zou dans les montagnes suisses.

Pourtant il y a bien deux passages où le décor est américain : lors du kidnapping du fils du méchant mégalomane, on verra un New York gris, glauque, balayé par une pluie torrentielle car "l'architecte du rêve a envie d'uriner",ce qui revient tout de même à pisser symboliquement sur la ville. Cette ville est montrée comme agressive de bout en bout, la hauteur des immeubles apparaît menaçante, oppressante, et surtout de méchants mercenaires sans âme la défendent à coups de 4x4 de luxe et de mitrailleuses. C'est là aussi où l'un des protagonistes se fait touché par une balle.

Ensuite le deuxième moment où l'on voit un décor américanisé est lorsque l'on visite la ville onirique construite par Leonardo DiCaprio et Marion Cotillard. Une ville morte, où ils ont vécu une cinquantaine d'années virtuelles, bercés d'illusions factices entretenues par Leonardo qui ne cherchait pendant ce temps qu'à percer discrétement la psychée de sa compagne poru en faire l'objet d'amour rêvé. Le réveil fut dur, violent, menant à la mort du bonheur et à la destruction salutaire de ce décor mensonger.

Mais la destruction de l'image américaine ne se déroule pas qu'en fond de l'histoire, elle se passe aussi au travers des personnages.

Le héros tout d'abord, qui est exilé de son propre pays et envers lequel il conserve une rancune tenace. Et pourtant, il a également une farouche envie d'y retourner afin de s'émerveiller de l'enfance de sa progéniture dont il est séparé depuis son retour à la réalité. Voilà qui symboliquement nous dit des choses. Le héros est toujours présent pour créer une identification maximale auprès du spectateur, nous devons ressentir ses émotions face à l'aventure vécue. Nous sommes donc de concert avec lui dans la volonté de retrouver la spontanéité et l'émerveillement de l'enfance... en rentrant aux États Unis ! Mais c'est un retour qui exigera au préalable d'abattre le symbole d'une hégémonie américaine vieillissante (personnifiée par le seul méchant du film, le père du jeune héritier américain) et de faire acte de rédemption quant à son pêché qui est celui d'avoir voulu altérer les frontières entre rêve et réel pour créer un monde idéal mais manipulatoire.

Voilà une belle parabole sur le cinéma de divertissement et ses dérives ! Leonardo incarne cette volonté de retrouver l'émerveillement premier devant les films à pop corn où l'on retrouve son âme d'enfant et qu'on partage en famille, c'est cette Amérique là qu'il a perdu car il est allé se fourvoyer à vouloir influencer le monde de façon insidieuse par le biais de l'hyper-développement de sa capacité à créer de l'imaginaire.

Et oui,en fin de compte, Leonardo DiCaprio se repend symboliquement de la tentative de passage en force psychique des blockbusters hollywoodiens. Son rêve commun aux décors américains n'avait pour but que d'effacer la petite maison aux lourds secrets de Marion Cotillard qui reste pourtant là malgré toute la féérie qui l'entoure. C'est l'échec du monde à la Disney, de la lobotomie par le rêve pour vivre dans le meilleur des mondes.

Or qui symbolise cet échec ? Marion Cotillard, qui fait d'ailleurs preuve d'une rare violence et ne cesse d'exprimer son sentiment de trahison. Or que symbolise Marion Cotillard dans ce film ? une femme et la France, qui sont respectivement les entités les plus farouchement opposées aux blockbusters, raillant la bêtise de ses spectacles abrutissants où l'action prédomine sur l'histoire.

Il faut donc faire taire cette voix qui détruit l'univers construit par celui qui fut jadis sûr de lui et de son rayonnement bénéfique sur ses contemporains. Leonardo DiCaprio est donc "Hollywood en quête de rédemption", Marion Cotillard est "le spectateur critique" dont il faut apaiser la fureur après des années à passer outre et à tenter de percer sa psyché pour y jouer un rôle divin béatifiant. La rédemption n'est pas non plus en forme claire de mea culpa puisque Marion Cotillard nous est finalement présentée comme une incurable hystérique dont le pauvre Leonardo est presque pris en otage. Finalement, la thèse défendue par le film n'est pas que l'acte de Leonardo est condamnable mais qu'il l'a fait sur quelqu'un de trop instable et qui ne peut accéder au bonheur. Symboliquement, Hollywood se donne donc raison de vouloir entrer dans les consciences mais reconnait l'antipathie de certains publics à son égard et l'impossibilité de satisfaire tout le monde.

Nous avons donc vu que ce film nous parle d'Hollywood et de la critique, mais et le spectateur lambda dans tout ça, est il représenté ?

Oui, c'est le milliardaire Japonais.

Le personnage joué par Ken Watanabe a déjà ceci de commun avec le spectateur que c'est lui qui paye. Il finance tout, tout comme nous car n'oublions jamais que l'argent d'Hollywood ne vient pas de trésors enfouis dans des cavernes mais bel et bien de nos portes-monnaies.

Au début du film, Ken Watanabe déjoue une tentative d'effraction dans son esprit,il n'est pas dupe, il sait qu'on est dans le faux. Or le spectateur également. N'importe qui, même sans avoir lu le scénario, devinerait aux décors (on passe de décors virtuels flamboyants à une chambre d'hôtel minable située dans un quartier pauvre du quart monde mais sensée être la garçonnière du milliardaire, c'est louche) et au jeu des acteurs qu'on a à faire à une situation trouble. Le scénario met donc en place un faux piège, aisément détectable afin que le spectateur rentre dans l'intrigue et se sente flatté, on le rassure sur le film (c'est un film intelligent avec une intrigue), on le flatte sur ses capacités (bravo vous avez flairé le piège), on instaure ainsi un duel d'ego qui motivera le spectateur et l'accrochera jusqu'à la fin (saurais je déjouer le scénario et être plus fort qu'Hollywood ?) et dans le même temps on le fait s'identifier à Saito, le milliardaire rusé made in Japan.

Or le Japon c'est quoi ?

Le Japon est un pays qui cultivait une indépendance farouche. C'est le symbole même de l'insularité et du rejet de l'extérieur. Une tradition militaire acharnée lui a permis de rivaliser avec ses puissants voisins (Chine, Russie, Corée) voire d'en annexer certaines parties. Le Japon est également le premier pays à avoir attaqué des militaires américains. Puis il y a eu la bombe atomique, symbole même de l'hyperpuissance pyrotechnique américaine, la défaite et l'occupation américaine. Une occupation qui a donc imposé la culture américaine sur un sol de tradition séculaire, provoquant un véritable choc mais aussi une absorption des valeurs, notamment au niveau du divertissement (à tel point par exemple que le sport le plus pratiqué au Japon est le baseball !).

Voilà ce qu'on nous propose d'incarner, un milliardaire d'un pays qui a su garder sa culture tout en étant obligé d'intégrer les valeurs américaines et de s'y adapter. Le milliardaire ne veut d'ailleurs pas exploser le système représenté par le trust américain hégémonique mais bel et bien y prendre la place du roi, légitimant ainsi le système en place et réalisant de surcroît le fameux "rêve américain", mythe de l'immigré qui fait fortune en utilisant le système ultra-libéral. Ce personnage représente donc ce que l'Amérique nous propose? à savoir un pur produit d'une société fasciste (ingurgite mes valeurs et comporte toi selon mon code) mais démocratique (garde tout de même ta petite singularité exotique).

Mais comment cette identification est elle possible ? Pourquoi nous? spectateurs? serions nous amenés à nous projeter dans ce personnage ?

Et bien tout simplement car nous suivons la même trajectoire.

Le personnage de Saito est toujours à mi chemin entre la sympathie et la défiance envers l'équipe de Leonardo DiCaprio. Saito a le pouvoir, il paye et demande qu'on exécute ses ordres, qu'on le satisfasse. Nous spectateurs avons le même rapport vis à vis de l'équipe, nous avons payé et voulons être divertis et nous sommes exigeants.

Saito se méfie des entourloupes tout comme le spectateur qui, habitué aux tours de passe passe des scénaristes, ne veut pas qu'on lui refourgue une histoire préfabriquée ou incohérente. Le spectateur a le même discours que Saito : " vous êtes sensés être les meilleurs, je vous paye, mais il y a intérêt à ce que ça marche".

Saito est d'ailleurs toujours partie prenante de l'action mais également spectateur, il a toujours un temps de retard sur ce que va faire l'équipe, exactement comme le spectateur averti qui reconnait les ficelles et les codes du film d'action mais ne sait pas où on veut l'emmener.

Mieux encore Saito manque de mourir à New York devant l'assaut des mercenaires en 4x4 Mercedes, le message est clair : on a bien failli perdre nos spectateurs à force de fusillades sans objet dans un univers urbain luxueux et tonitruant.

Il est à noter d'ailleurs la repentance du scénario sur le "placement produit", autre pratique ayant largement corrompu la qualité des films de ces dernières années. Lorsque Leonardo DiCaprio regarde sa montre de luxe, on ne voit qu'un gros plan sur "swiss made" et pas sur la marque comme on aurait pu le voir dans un James Bond. En revanche la seule marque clairement visible et le logo mercedes des 4x4 des mercenaires sans foi ni loi de New York et qui tirent sur tout ce qui bougent, or rappelons que l'action se passe dans un cerveau humain, et qui tire à la grosse artillerie sur nos cerveaux depuis des décennies avec toujours plus de puissance et de volonté agressive ? La publicité évidemment. Le message est clair : dans Inception, on nous ne vous fera pas le coup de la pub, on sait que c'est mal et négatif.

On peut aussi lire dans cette scène une fable sur le dérapage des vieilles valeurs américaines du divertissement. En effet, les héros sont dans une vieille fourgonnette Ford, marque emblématique de l'american old fashion way of life et ils se font tirer dessus par des 4x4 allemands, ils sont pourchassés dans leur propre pays par de riches valeurs étrangères comme si on nous voulait nous faire croire que l'oncle Sam et Hollywood, grands instigateurs de la mondialisation, était victime de cette dernière et que tout ça ce n'était pas de leur faute. Comme si ils avaient créé un monstre qu'il leur fallait maintenant affronter.

Un autre message nous est envoyé, un message très cher à Hollywood que l'on peut voir également développé dans Avatar : les Américains ont le pouvoir de ruiner le monde et seuls d'autres américains peuvent les en empêcher, les autres ne sont que des victimes en puissance attendant d'être sauvés. L'américain est la figure de l'hyperpuissant, ensuite il choisit son camp et se livre une guerre contre lui même pour sauver le monde et par là même le spectateur, qui n'a d'autre choix que de s'identifier à celui sauvé par les Américains ou aux Américains eux mêmes. Aucune contestation possible.



Saito manque donc de mourir pour être sauvé. Intéressons nous donc à cette mort, loin d'être anodine. Saito meurt d'avoir voulu pénétrer dans le rêve des Yankees et d'y imposer sa loi. Et comment meure-t-il ? La mort dans ce rêve se traduit par la chute de sa personne dans des quasi limbes qui le laissent errant, quasi décérébré, régnant sur des chimères comme un roi shakespearien. C'est bien de la mort de l'imaginaire du spectateur dont il est ici question, à force d'avoir subi les assauts pyrotechniques aliénants de l'Oncle Sam, le spectateur fini avec un cerveau en bouillie.

Heureusement Leonardo/Hollywood déclare avoir une conscience et vouloir sortir Saito de ce pétrin. Il y parvient d'ailleurs. Sauf qu'on ne saura jamais comment !! il y a une sorte de sauvetage divin, la simple présence de Leonardo dans les limbes suffit à en extraire le malheureux sans autre formalité. Nous spectateurs devons croire pour être sauvés et ainsi la résurrection miraculeuse arrive.

Mais la motivation de ce sauvetage par Leonardo/Hollywood est elle purement éthique ?

Bien sûr que non, Leonardo sauve Saito car lui seul peut lui donner le feu vert pour retourner...aux Etats Unis ! Et par là même on comprendra la parabole, Le nouvel Hollywood incarné par Leonardo sauve le spectateur incarné par Saito des limbes de l'indigence fantasmagorique afin que celui ci approuve de nouveau le système américain.

Voilà ce que nous raconte Inception, l'histoire d'un nouvel Hollywood en proie aux doutes face aux critiques, qui doit abattre un ancien système fait de cynisme et de froideur pour faire advenir un règne tout aussi libéral mais plus métissé, plus sympathique et renonçant à une certaine forme de manipulation afin de pouvoir se réconcilier avec lui même. Pour autant dans les faits on ne sait pas ce qui a réellement changé et quelles sont les conséquences de la mission de Leonardo, qui gagne son absolution sans nous fournir de réels résultats. Mais le film n'est pas dupe de son potentiel et laisse la fin en suspens avec la toupie qui tourne, c'est bel et bien le spectateur qui décidera si Leonardo est rentré au bercail lavé de ses pêchés ou si il ne fait qu'en rêver.



Jo Jo / Mind Game