mercredi 13 octobre 2010

Démontons ce qui semble bien monté




Depuis quelques semaines, une vidéo fait le buzz, à savoir qu'elle pullule sur les walls facebook et approche le million de vues sur youtube. Cette vidéo c'est le clip "PQR plan cul régulier" de Captain Brackmard et Simone. Des vidéos qui font le buzz, il y en a des centaines, voire des milliers : vidéos de chats, de gamelles en tout genre, clips parodiques, abrutis profonds se donnant en spectacle etc. Alors pourquoi choisir d'analyser celle là ? Parce qu'à la différence de beaucoup d'autres qui ne visent qu'à faire rire la galerie de l'open space, celle-ci a un propos de société et méritait donc qu'on s'y attarde.

Voici la vidéo sur laquelle nous allons revenir en détail.

PQR - Plan C*l Régulier - CAPTAIN BRACKMARD feat. Simone

Nous ne nous attarderons pas sur la qualité de la chanson ou du clip car notre propos n'est pas d'encenser ou de critiquer mais de décrypter.

A priori cette vidéo est légère et semble nous narrer les aventures décomplexées de deux personnages nous décrivant un mode relationnel apparemment idéal.

Tout un argumentaire est mis en place pour étayer le propos

Amusons nous à reprendre la chronologie du clip.

Tout d'abord Captain Brackmard nous explique aimer les bonnes meufs et les pétasses et de poser la question "toujours pas maqué qu'est ce qui se passe ?"
La réponse qu'il nous livre est celle d'une volonté de célibat, on aurait pu lui opposer facilement que le type de filles décrit est par définition volage et qu'il est donc difficile de se "maquer" avec. On pourrait surtout lui demander si les "bonnes meufs" et les "pétasses" veulent se "maquer" avec un type ordinaire, sans musculature apparente et avec un slip sur la tête. Visiblement il sous entend que oui et que c'est lui qui refuse, ne le contrarions pas.

Après ce petit apéritif qui nous éloigne de notre propos, nous voyons donc Captain revendiquer le célibat. Comment ? Il revendique une liberté (nous y reviendrons) et Il ne voit pas l'utilité d'une femme qui l'empêcherait selon lui de passer des soirées "pizza bière" et de manger "des chips camembert" au petit déjeuner.

Quand il a envie de "kenne pépère" il appelle sa copine PQR et là Simone entre en scène avec un joli refrain où on nous dit qu'"on arrive, on kenne, on se barre et hop c'est plié (aïe)", que "pas parler juste baiser, c'est pourtant simple de pas se faire chier"

Alors dit comme ça, cela peut sembler extrêmement libre, voire libérateur. Enfin une relation hyper hédoniste où tout est permis, fini les convenances, c'est sauvage, c'est chouette.

Mais cela marche-t-il en vrai ? Pourriez vous décemment ne voir quelqu'un que pour une sexualité expéditive sans autre parole, avec finalement moins d'interaction qu'avec le boulanger et espérer en tirer une réelle jouissance ?

Nous y reviendrons


Arrêtons nous maintenant sur le couplet féminin et étudions ce que nous appellerons "le paradoxe Simone". Simone est une affranchie, elle est dominante, la preuve elle fume et porte des tee shirts "Bang bang", elle revendique une hyper sexualité et mordille même les tétons de ses partenaires, revendiquant ainsi une égalité physique avec son partenaire masculin.
Cependant à bien regarder :
Elle se décrit comme une "bonnasse", terme péjoratif utilisé exclusivement par les mâles affichant une misogynie affirmée, déclare solder sa vertu à tout va en draguant compulsivement sur internet (elle n'est donc plus une princesse inaccessible mais une hyper demandeuse, proche de la mendicité de par sa démarche multiple), recruter des super héros et des hommes à pouvoir, pouvoir se résumant à la taille de leur engin selon son Iphone, qu'elle décroche "d'une voix de conne" pour ne pas être une connasse (comprenez "femme en couple avec un compagnon régulier"). Elle fait ensuite un doigt à la caméra comme suprême affirmation de son comportement.

Mais à qui est_il adressé ce doigt ?

A d'éventuels prétendants ? Non, car il suffit d'avoir une grosse bite ou de sembler avoir du pouvoir pour que ce soit elle qui se rue sur vous. A d'éventuels machos la rabaissant ? Non car elle a bien appris sa leçon, elle est "une bonasse" et décroche "d'une voix de conne", se rabaisser fait partie de son comportement amoureux. Ce doigt n'est pourtant pas là par hasard et symbolise tout le malaise de la démarche hasardeuse de notre fausse affranchie qui se déhanche dans toutes les positions pour se faire prendre "du sol au plafond" (bonjour la sémantique de publicité de détergent ménager qui stéréotype un peu plus la condition féminine).

Simone fait un doigt à tous ces codes qu'elle mélange, tentant de prendre le dessus. Simone fait un doigt à une société de valeurs brouillées où être une bonnasse qui baise n'importe qui serait le summum de l'émancipation féminine.

Et elle y gagne quoi notre Simone ?

A peu près la même chose que notre Captain avec ses chips camembert foot pizza bière, La liberté suprême de pouvoir regarder Koh Lantah avec une salade !!! Ça valait le coup !

Grosso modo, nous avons donc deux personnages fuyant (dans un rapport humain réduit à son minimum et provoquant une surdose de cynisme) les dangers d'un couple qui les empêcherait de manger ce qu'ils veulent et de regarder le foot ou la télé réalité. Ouf ! heureusement qu'ils sont cools : ils arrivent à avoir du sexe et à choisir le programme télé !

On y gagne encore et toujours sur la bouffe puisque le refrain nous indique que "plan cul régulier, pas parler juste baiser, tu me racontes rien sur l'oreiller, le matin je te propose pas de café"! Et ça c'est quand même une belle victoire, sans compter qu'avec la crise ça fait de belles économies à la fin du mois !Heureusement qu'on est pas en couple, il aurait fallu laver deux tasses !

Alors ensuite c'est génial, on a droit au couplet "c'est une relation saine, on est tranquille, on est zen". Et pourquoi ? parce que "y a pas d'abonnement comme dans mon téléphone", qu'on peut rester SEUL(e) avec son ordinateur sur son canapé et que, "si je veux pas voir ta gueule j'ai qu'à pas t'appeler". Nous avons donc deux personnes qui revendiquent une relation qui leur permet d'être seuls, de mépriser l'autre et de le considérer comme un importun. C'est super sain en effet.

Vient ensuite une foule d'arguments dont le principal est "rien à foutre si on s'aime" et là c'est vrai que c'est sain et zen. La fille ne te présente pas à sa mère et tu peux oublier son anniversaire (ça plus le café, ça en fait du fric de mis de côté du coup tu peux t'acheter ton macbook pour rester seul sur le canapé à coussin pop Ikéa). Elle elle veut que tu "lui mettes la misère" et toi tu vas donc lui "défoncer le sphincter" encore une fois la femme domine à mort, ça se sent. Donc ce qui est sain et zen serait de nier l'existence de l'autre (anniversaire), le cadre familial et surtout l'amour pour goûter aux joies de la sodomie, parce que sans ça tu peux pas bien sûr, le couple c'est baiser seulement en missionnaire.

Ce clip nous décrit donc une escroquerie conceptuelle . On ne sait d'ailleurs pas si les auteurs sont au premier ou second degré, ils sont toujours sur la corde raide, comme si ils essayaient de se persuader eux mêmes. D'ailleurs le côté affranchi, s'émousse vite devant le masque du Captain et le fait qu'ils baisent "incognitos", de surcroît à la va vite comme des voleurs.

Alors finalement que nous raconte ce mode de vie à part une peur de l'échec sentimental ? Le couple est vécu comme une prison, comme "s'afficher sur facebook avec un putain de mec qu'on pourrait pas saquer". On n'ose plus aimer alors on fait semblant de le revendiquer, comme le hip hop a revendiqué les conditions de vies misérables que l'état impose aux communautés des ghettos dans des pays où règne pourtant l'abondance. On fait se sa misère une fierté car on a plus que ça.

Ces gens ont peur. Ils sont dans la soumission la plus totale. Lui se cache pour revendiquer une virilité qu'on ne verra jamais, elle se soumet aux clichés les plus avilissants pour réclamer une performance sexuelle vide d'amour et la musique guillerette peine à faire oublier la misère qui se cache derrière cet aboiement de la destruction du sentiment, par peur du rejet de l'autre. Car oui les arguments pour faire du couple une "prise de tête" ne tiennent pas la route, c'est donc bien qu'il y a autre chose qui sous tend cette fuite en avant revendiquée. Cet autre chose c'est simplement la peur de l'amour et de ses aléas.

Putain mais et alors bordel ? Non parce que ça va quoi ! C'est quoi cette société de merde là, où on est tous des tapettes cachés derrière son écran à se moquer des acteurs /beaufs de télé réalité car on sait pas quoi foutre de sa vie ? à ne pas vivre des sentiments parce qu'on est boulimique de séduction juste parce que les publicitaires nous ont appris à vouloir toujours plus sans jamais être heureux ? Et ben finalement, y a rien qui se vit et on fait comme si c'était l'aventure et ben bravo ! Autant dire que partir à Djerba en club David Guetta c'est Indiana Jones ! Avec un tel désert de sensations, de prises de risques, pas étonnant qu'Avatar 3D aie du succès, l'aventure virtuelle ça au moins c'est pas risqué. FUCK IT STRONG ! sors de chez toi, va parler aux gens, ose putain ! Selon le sociologue Gilles Lipovetsky, le bonheur se trouve dans la prise de risques que nous interdit finalement la société de confort. Et ben... Il a raison ! Regarde moi ce clip, ils ont tout l'attirail des jeunes gens à fric et avec tout ce qu'il faut pour être cool et ils vivent quoi ? du handicap, de la frustration, de la peur et de la solitude et font semblant d'en jouir ! Youpi Youtube !

Le vrai affranchissement ne serait il pas de revendiquer un couple où on baise franchement et où on renouvelle sa libido chaque jour tout en se disant qu'on s'aime, en buvant des petits cafés et si possible en éteignant la télé ? Un couple loin des habituels clichés mortifères ou gnangnans ? C'est peut être finalement trop rock and roll pour faire un buzz ? Heureusement la vraie vie se joue pas sur youtube et de toute façon j'aimerais pas qu'un million de mecs cliquent sur ma meuf. Fuck you and love you each other punk !





1 commentaire:

  1. Très symptomatique de notre époque ou on préfère cacher sa totale loose et son inaptitude aux relations humaines sous une apparente attitude nihiliste. Tout ceci est drôle au second degré, mais comme toujours celui ci n'est pas automatique chez tout être humain et demande un certain recul (pas trop tu vas tomber).
    Finalement les derniers rebelles du 21ème siècle seront les amoureux, qui l'eut cru?

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